Weingartner – Beethoven Symphonie n° 9 (1926)
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1927 est l’année Beethoven, et une occasion rêvée pour les éditeurs de disques de promouvoir la nouvelle technique de l’enregistrement électrique, opérationnelle depuis la mi-1925. La plus grande édition a été mise en place en Grande-Bretagne par la firme Columbia (pour visualiser le catalogue, cliquer ICI ) avec 12 des 17 quatuors joués par le Quatuor Lener, prémisse de ce qui sera la première intégrale de l’histoire du disque, quelques sonates, le Trio Op. 97 et surtout une intégrale des symphonies1: n°1: Sir Georges Henschel; n°2: Sir Thomas Beecham; n°3: Sir Henry Wood; n°4: Sir Hamilton Harty; et enfin pour les n° 5 à 9, Felix Weingartner, qui était considéré à l’époque comme la référence en matière d’interprétation beethovénienne, dans un style que l’on peut qualifier de « classique », dans lequel la personnalité de l’interprète n’est pas au premier plan.
Weingartner a ré-enregistré la 9ème en 1935 avec les Wiener Philharmoniker, les chœurs du Staatsoper, une technique d’enregistrement bien supérieure, et cette fois en allemand.
Car la version de 1926, le premier enregistrement électrique de l’œuvre, est chantée…. en anglais.
Quel intérêt y a-t-il donc à la publier? Eh bien, c’est qu’en 1926, Weingartner (1863-1942) était encore à son sommet et le discours musical s’avère souple et animé alors que 9 ans plus tard, il est beaucoup plus métrique. De plus, un excellent report effectué au Japon en 1970 par Nippon Columbia, sur 4 faces de microsillon, permet de restituer cette interprétation avec une vie inespérée, en dépit des limitations techniques de la prise de son et de montages imparfaits entre les faces des 78 tours.
Après Weingartner, les interprètes de référence de Beethoven relèveront d’une esthétique bien différente.
L’article ci-dessous, publié en 1952, permet de replacer Weingartner dans un cadre historique. Il est dû à un de ses élèves, Louis-Albert Burkhalter. En voici des extraits significatifs:
« J’ai eu le privilège en tant qu‘élève du Conservatoire dont il était alors le directeur, à un âge où les impressions se marquent fortement dans l’âme, d‘avoir eu la révélation de tout Beethoven à travers les traductions de Weingartner.
J’ai assisté, durant trois années, aux répétitions de ses concerts symphoniques et l’on pense bien que je n‘en manquai aucune. Je dirai d’abord qu’en ce qui concerne Beethoven, le maître autrichien n’insistait pas autant qu’on le fait aujourd’hui – avec quelque excès à mon sens – sur le caractère dionysiaque de l’auteur de Coriolan. Il y avait moins de révolte explosive dans ses interprétations, mais davantage de chant. Moins de violence, plus de musique.
Weingartner était un olympien, un goethéen (il a écrit pour le Faust de Goethe une musique de scène à laquelle il tenait beaucoup). Son geste était à l‘image de ses conceptions. Placé derrière lui, on apercevait à peine sa baguette. Mais lorsque la partition l’exigeait, aux hauts moments dramatiques d’une œuvre, il levait le bras, le tendait obliquement vers le ciel en se tournant parfois légèrement de trois-quarts, et il atteignait alors, sans gesticulation, j’y insiste, à une grandeur qui ne devait rien à la violence, à un pathétique d’autant plus intense et bouleversant qu’il était avant tout intérieur et qu’il dédaignait totalement les effets vulgaires de la force quantitative. C’était certainement moins spectaculaire que les interprétations de tel chef d‘aujourd‘hui: c’était à coup sûr plus profond, plus vrai.
L‘homme était charmant. J’ai dit qu’il était Autrichien. Il en avait toutes les qualités de gentillesse teintée d’humour. Il représentait pour nous plus qu’un grand chef.
Il avait rendu visite à Wagner, il avait été l’élève et l’ami de Liszt, il avait, étant jeune, connu une femme fort âgée qui avait chanté dans la Neuvième Symphonie, en présence de Beethoven. Il était pour nous un témoin autorisé de la grande tradition musicale allemande, le représentant d’un passé glorieux.
Grand chef, il était aussi excellent écrivain ; il a publié deux volumes de mémoire fort passionnants et a écrit lui-même les livrets d‘une dizaine d’opéras. Car il fut un compositeur très fécond et a laissé de nombreuses symphonies, deux concertos, de la musique de chambre et plus de 150 Lieder« .
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L’enregistrement a été réalisé à Londres les 16 et 17 mars 1926 dans les studios Columbia de Petty France avec le London Symphony Orchestra. Le chœur n’est pas identifié. Les solistes sont: Miriam Licette, soprano, Muriel Brunskill, contralto, Hubert Eisdell, ténor et Harold Williams, baryton2.
De gauche à droite: Miriam Licette, Muriel Brunskill, Hubert Eisdell et Harold Williams
Weingartner avait l’habitude d’enchaîner les deux derniers mouvements (attacca). Dans ses deux enregistrements, il a tenu à mettre en avant cette particularité en gravant sur une même face (ici la matrice WAX 1360-2) la fin du 3ème mouvement (ici 2′) et le début du Final (ici 1’25).
Weingartner supervise le pressage de ses disques (1926)
1Cette édition ne comporte aucun enregistrement de concerto. En fait, le Concerto pour violon a été enregistré à Londres par Louis Zimmermann, Concertmeister du Concertgebouworkest, avec un orchestre non identifié, sous la direction de Charles Woodhouse, mais l’enregistrement, jugé peu satisfaisant face à la version berlinoise de Fritz Kreisler et Leo Blech, n’a été publié qu’aux Pays-Bas et constitue une rareté discographique.
2 Miriam Licette (1885-1969) était la soprano préférée de Sir Thomas Beecham. Au cours de sa longue carrière, elle a chanté principalement à Covent Garden et à la British National Opera Company. Muriel Brunskill (1899-1980) a également été membre de la British National Opera Company (1922-1927), mais ensuite, elle s’est surtout consacrée aux Oratorios et aux Lieder. Hubert Eisdell (1882-1948) a consacré sa carrière aux concerts dans lesquels il chantait un répertoire très varié. Il est devenu célèbre en interprétant des chansons et des ballades populaires. En 1933, il s’établit au Canada et devient professeur au Conservatoire de Toronto. Le baryton australien Harold Williams (1893-1976) s’est également partagé entre l’opéra (British National Opera Company jusqu’en 1929) et le concert, notamment les Prom’s chaque année de 1921 à 1951. En 1952, il rejoint le Conservatoire de Sydney.
Les liens de téléchargement sont dans le premier commentaire. The download links are in the first comment.
5 réponses sur « Weingartner – Beethoven Symphonie n° 9 (1926) »
HD/Hi-Res (24 bits/88 KHz):
https://e.pcloud.com/publink/show?code=kZWmb7Z0eVeKaTjqGyJfqI1QGtM14fGMopk
Format CD (16 bits/44 KHz):
https://e.pcloud.com/publink/show?code=kZ2mb7ZzPN4b2Aimlh7fBQar5wpnjqVyY3X
Link to the English Translation:
https://e.pcloud.com/publink/show?code=XZ1kj7ZyEPzgFWATYpD2g5q1pB83pDlAeOk
Catalogue Columbia Beethoven Mars 1927:
https://e.pcloud.com/publink/show?code=XZtJh7ZOCv6V5SiTWR5fypi2DYkqmgqIx4X
Thank you so much for giving us this important historic performance in a superb restoration! Please keep them coming!
C&A, thanks for sharing this Weingartner – Beethoven recording. At one time I had the 1935 78 set with the VPO, but never thought much of that performance. This performance is much more satisfying. I personally don’t think the 1970 Japanese transfer of the 78s was all that good. Transition joins between sides was sloppy/not smooth at times, and it sounds like they changed the audio dynamics just before the choral part starts in the last movement. (For reference, listen to the transfer of the same 78s done by Bryan over at The Shellackophile blog.) Just my opinion. Thanks again for posting this. Burt
Thanks for your post, Burt. I know the splendid transfer made by Shellackophile. His site is mentionned in my Blogroll, and the download links for it and other Weingartner recordings are still active.
You are right as far as the edits are concerned. As to your other remark, since there is considerable dynamics compression in this recording, I cannot say whether Shellackophile corrected a problem that was extant on the 78 discs, or whether on the LP (Nippon Columbia) someone changed the dynamics.
On the other hand, I think the Japanese LP is a transfer from the metal parts, that are a lot cleaner than any commercial pressing can be, and that for that matter, in this « candid » and unfiltered transfer, we get more of the details of the performance, a.o. the subtile phrasing of the slow movement, one of the greatest performances thereof I have ever heard.
I do not know whether the edits can be corrected, it is beyond my ability anyway, but if anyone feels like doing it, I would be very happy to post a Re-up!
Merci beaucoup. Je n’ai pas cet enregistrement en format numérique. Un beau travail.