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Entre 1935 et 1939, Arturo Toscanini a donné 26 concerts avec le BBC Symphony Orchestra, dont 25 à Queen’s Hall, tous retransmis par la BBC, et un à Oxford. Des enregistrements effectués par la BBC, ou bien à partir des retransmissions sont parvenus jusqu’à nous. HMV a enregistré ses quatre concerts du London Music Festival de 1935 (3, 5, 12 et 14 juin)1 et un concert en 1938 (le 10 juin), mais à l’époque, le « Maestrissimo » n’a donné son autorisation de publication pour aucun d’entre eux. Ce n’est que plus tard, au cours des années 1980, que ces captations ont été progressivement mises à la disposition du public. Des séances d’enregistrements pour HMV ont eu lieu à Queen’s Hall en 1937 (17 juin, 21, 22 et 25 octobre), 1938 (2 juin) et 1939 (1 juin) et ont donné lieu à l’époque à des publications en 78 tours2.
Ces concerts couvrent une période au cours de laquelle la personnalité musicale de Toscanini était en train d’évoluer (l’approche de la guerre?), mais les affinités entre le chef et l’orchestre sont évidentes3. Les interprétations s’y révèlent dans toute leur subtilité, sans les duretés que l’on trouvera par exemple dans le cycle Beethoven de 1939 avec l’orchestre de la NBC, bien que certains signes avant-coureurs soient perceptibles et avaient d’ailleurs été remarqués à l’époque.
Nous vous invitons à écouter la dernière œuvre, la 7ème symphonie de Beethoven, du concert public du 14 juin 1935 qui clôturait le London Music Festival:
L’enregistrement a été effectué par HMV sur 10 faces 78 tours4. En complément: la 4ème symphonie de Beethoven enregistrée sur 8 faces 78 tours5 le 1er juin 19396, dans une prise de son due à Edward Fowler. Les reports ont été effectués à partir de microsillons, publiés en 1970 pour la 4ème symphonie (reports de 78 tours par Anthony Griffith), et en 1986 pour la 7ème symphonie (reports de 78 tours par Keith Hardwick), dans les deux cas à partir des matrices métalliques d’origine.
1Le troisième London Music Festival, organisé par la BBC, comprenait huit concerts retransmis depuis Queen’s Hall, dont l’acoustique était renommée: le premier, dirigé par Adrian Boult était consacré à la Messe en si de Bach (10mai). Les trois suivants, les 17, 22 et 27 mai, étaient dirigés par Serge Koussevitzky.
2Le livre de Christopher Dyment « Toscanini in Britain » (The Boydell Press) est une référence incontournable.
3 Le livre de Bernard Shore, alto solo du BBC SO, « The orchestra speaks » paru en 1938 (Longsmans,Green and Co.) donne en 25 pages un compte-rendu on ne peut plus détaillé des relations entre l’orchestre et le chef.
4matricées 2EA2251-2-2A à 2EA2260-2-2A.
5matricées 2EA7959-3, 2EA7960-2, 2EA7961-3, 2EA7962-2, 2EA7963-2, 2EA7964-1, 2EA7965-1 et 2EA7966-2A provenant d’un report effectué le 5 juillet à partir de la prise 3 (matrice 2EA7966-3A) du 1er juin.
6En 1935 le « leader » de l’orchestre était Arthur Catterall. En 1939, c’est Paul Beard, comme le montre le programme du concert du 8 mai 1939 diffusé par la BBC:
Arthur Catterall (1883-1943) a été le « leader » du Hallé Orchestra de 1907 à 1925. Il a poursuivi une carrière de soliste et a fondé le Catterall Quartet et le Catterall String Orchestra. En 1929, il devient le « leader » du BBC SO nouvellement fondé, dont le concert inaugural officiel a lieu le 22 octobre 1930 avec son plein effectif de 115 musiciens. En 1936, il quitte ce poste pour se consacrer à sa carrière de soliste et pour enseigner. Il est alors remplacé par Paul Beard (1901-1989) qui était le leader du City of Birmingham Orchestra à partir de 1922, puis du Royal Philharmonic Orchestra depuis sa fondation par Beecham en 1932, et a choisi le BBC SO de préférence au Boston SO. Il restera à ce poste jusqu’à sa retraite en 1962. Toscanini le considérait comme le plus grand « leader » d’orchestre qu’il ait connu.
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Bernard Kruysen (1933-2000) a chanté beaucoup de mélodies françaises (Debussy, Ravel, Fauré, Duparc, Poulenc). Dans l’univers du Lied, à l’époque dominé chez les barytons par Gérard Souzay, Hermann Prey et Dietrich Fischer-Dieskau, il a créé, pour les Lieder de Schumann, un style unique fait de naturel et d’émotion, totalement exempt de la surinterprétation, souvent reprochée, à tort ou à raison, aux chanteurs précités.
Les disques que l’on connait de lui sont pratiquement tous accompagnés par Noël Lee, pianiste fort apprécié par Nadia Boulanger, mais on a semble-t-il oublié ses premiers enregistrements, de 1961 à 1965, réalisés avec un autre pianiste, Jean-Charles Richard, et ils n’ont presque jamais fait l’objet de rééditions depuis leur parution.
Leur écoute, et particulièrement celle des Lieder de Schumann, nous révèle un pianiste au toucher remarquable, et dont le jeu fin et subtil est en parfaite symbiose avec la respiration du chanteur. Et vient alors la question: comment un pianiste de ce niveau a-t-il pu être oublié?
Ci-dessus: Bernard Kruysen et Jean-Charles Richard
Né en 1922, Jean-Charles Richard est entré très jeune au Conservatoire de Paris, mais, suite à un grave accident, ses études ont été interrompues plusieurs fois pour des séjours à l’hôpital et on imagine la volonté dont il a fait preuve pour les mener à bien. En 1948, il a obtenu à l’unanimité le prix Diémer. Son répertoire comportait Bach, Beethoven, Chopin, Schumann, Liszt, Brahms, Debussy, Ravel (dont il a enregistré une intégrale de la musique pour piano seul) et Prokofiev. Son activité de pianiste ne s’est pas poursuivie au delà du milieu des années 70, et ensuite, il est devenu professeur au Conservatoire (CNSM) de Lyon, puis de Paris, et enfin Directeur du Conservatoire de Bobigny. Il est décédé en 2012.
Voici de Schumann le Liederkreis Op.39 ainsi que les 6 Gedichte und Requiem Op.90 enregistrés à Copenhague en janvier 1964.
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Fritz Busch dirige Beethoven avec le Niederösterreichisches Tonkünstler Orchester (Octobre 1950)
Entre le 22 septembre et le 29 octobre 1950, Fritz Busch, a donné à Vienne, où il ne s’était pas produit depuis février 19341, une série de 11 représentations d’opéra au Theater an der Wien (entre le 22 septembre et le 24 octobre: Mozart Figaros Hochzeit (4 fois), Wagner Meistersinger (4 fois), et Verdi Otello (3 fois), un concert avec les Wiener Symphoniker (WSO) le 15 octobre (enregistré par la Radio) et enfin deux concerts, les 28 et 29 octobre, avec les Wiener Philharmoniker (WPO) tout juste rentrés d’une longue tournée (25 septembre-22 octobre) dans les pays nordiques, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suisse avec Wilhelm Furtwängler.
A ce planning extrêmement chargé, mais Fritz Busch avait la réputation d’être un «bourreau» de travail, s’est ajoutée à la dernière minute une série d’enregistrements réalisés à la Brahms-Saal du Musikverein pour la firme Remington, avec au programme les symphonies n° 3 et 8 de Beethoven et la symphonie n°101 dite « L’Horloge » de Haydn. Le responsable pour l’Autriche de la firme Remington, Marcel Prawy2, a pris contact avec Fritz Busch dès son arrivée à Vienne le 16 ou le 17 septembre pour lui proposer ces enregistrements, proposition rapidement matérialisée par une lettre du 19 septembre 1950 à Fritz Busch. L’argumentaire de M. Prawy reposait sur la qualité: le matériel d’enregistrement sera fourni par Telefunken grâce à un contrat exclusif, et l’ingénieur du son sera le Dr. Hans Sachs de la Radio autrichienne RAVAG, avec le confort de six jours d’enregistrement pour les trois oeuvres3, soit des conditions comparables à celles des grandes maisons de disque.
De prime abord, le choix de l’orchestre, le Niederösterreichisches Tonkünstler Orchester (ou Orchestre des Musiciens de Basse-Autriche), ne pouvait que surprendre. En fait, Marcel Prawy avait peu de choix. Le WPO était sous contrat avec de grands éditeurs de disques, et de toutes façons, il était en tournée. Pas question non plus d’avoir recours à un orchestre de circonstance comme ça a été le cas pour nombre d’enregistrements à l’époque, regroupant sous un nom générique des musiciens de l’Orchestre du Staatsoper et du Volksoper engagés au cachet, avec peu de répétitions. Quant au WSO, sa pratique était plutôt de faire, également avec peu de répétitions, beaucoup d’enregistrements pour le disque et pour la Radio (p.ex. les enregistrements d’Otto Klemperer pour la firme Vox ou l’intégrale des symphonies de Bruckner par Volkmar Andreae).
La firme Remington a malencontreusement publié ces enregistrements «à l’économie» dans une série bon marché, la gravure et le pressage étant de qualité inférieure, avec un son agressif, ce qui a conduit à une réception mitigée par les critiques. L’un d’entre eux n’a-t-il pas écrit à propos de l’Eroïca que «Busch donne une exécution de haut niveau avec un orchestre de second ordre»? La lecture de la discographie comparée des symphonies de Beethoven parue au printemps 1952 dans la revue «High Fidelity»4 permet de comprendre que, si la qualité technique des disques Remington n’avait pas été médiocre, les disques de Busch auraient pu créer l’événement.
Et comme la firme Remington a fini par disparaître, ces enregistrements, dont Fritz Busch était pourtant très satisfait, sont tombés dans un oubli relatif, jusqu’à ce qu’au début des années 80, la firme Relief , établie au Liechtenstein, les réédite à partir semble-t-il des bandes originales, avec cette fois une qualité de gravure et de pressage soignée. L’écoute montre qu’en fait l’orchestre est très bon, et surclasse même le WSO, notamment en ce qui concerne les pupitres des cordes, que les interprétations sont de très haut niveau et que la prise de son est tout à fait remarquable.
Malheureusement, la firme Relief ne s’est pas avérée plus pérenne que Remington et aucune réédition ultérieure à partir des bandes originales, qui sont de nos jours introuvables, n’a vu le jour.
Les deux microsillons Relief sont donc les meilleures sources à ce jour disponibles pour ces deux symphonies (3 et 8) de Beethoven, les seules enregistrées pour le disque par ce grand beethovénien qu’était Busch5, et c’est un report de ces disques qui vous est proposé, en attendant que peut-être un jour les bandes «master» fassent de nouveau surface, mais en tous cas, on ne remerciera jamais assez Marcel Prawy d’avoir pris l’initiative de proposer et de mener à bien ces enregistrements. Le décès du chef d’orchestre l’année suivante a mis fin à l’ambitieux programme d’enregistrements qui était en cours d’élaboration.
1Beethoven Missa Solemnis et Mahler 2ème symphonie avec les Wiener Symphoniker et le chœur de la Wiener Singakademie.
2 Marcel Prawy (1911-2003) était une personnalité à Vienne. Avant guerre, il a été le secrétaire du ténor Jan Kiepura avant d’émigrer aux États-Unis en 1938. Il est revenu à Vienne en 1946 en tant qu’officier du Service Culturel de l’armée US, puis a été de 1950 à 1952 le responsable pour l’Europe de la firme Remington, avant de devenir en 1955 le dramaturge du Volksoper de Vienne, puis en 1972 du Staatsoper. Il était très connu pour ses émissions radiophoniques puis télévisées,produites par l’ORF.
3 Nous connaissons le détail de ses séances d’enregistrement à la Brahms-Saal: 16 octobre (de 14h à 17 h), 17 octobre (de 9h à 13h), 18 octobre (de 9h à 13h et de 14h à 18h), 19 octobre (de 9h à 13h), 20 octobre (de 9h à 13h) et 25 octobre (de 9h à 13h).
5 Il existe des enregistrements de 4 autres symphonies de Beethoven: la 1ère (Chicago SO – 1949), la 5ème (New-York Philharmonic – 1950), la 7ème (WSO – 1950) et la 9ème (Radio Danoise – 1950), ainsi qu’un enregistrement isolé du Final de la 9ème (Radio Danoise – 1934).
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