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Quatuor Philharmonique de Moscou – Mozart: Quatuors n°17 K458 – n°19 K465 – n°1 avec flûte K285

Rostislav Dubinsky , violon I, Nina Barshai violon II (K458 & 465), Rudolf Barshai, alto et Valentin Berlinski, violoncelle.

Yuli Yagudin, flûte (K285)

Enregistré vers 1950

Quatuor Philharmonique de Moscou, c’est la dénomination qu’avait adopté entre 1947 et 1955, le futur Quatuor Borodine. Seuls quelques enregistrements, ici reproduits, de quatre œuvres de Mozart avaient fait l’objet d’une publication en 1963 sous forme de microsillons, à l’occasion des vingt ans de la création du Quatuor. Un récent coffret de 20 CD en Hommage à Rudolf Barshaï propose un enregistrement du Quatuor n°1 Op.49 de Chostakovitch (Concert à la Petite Salle du Conservatoire de Moscou – 3 juin 1951).

La chronologie des différentes compositions du Quatuor est relativement complexe, depuis la formation provisoire sous forme de Quatuor d’étudiants (1943), jusqu’à la constitution en 1947 d’un premier ensemble stable (Quatuor Philharmonique de Moscou), puis du choix de la dénomination de Quatuor Borodine en 1955 (source: Valentin Berlinsky – A Quartet for Life publié par Kahn & Averill London; Le Quatuor d’une Vie – Aedam Musicae). Si on met de côté la participation « anecdotique » de Rostropovitch en 1943, le cœur du Quatuor, ce sont Rostislav Dubinsky et Valentin Berlinsky. On notera que le remplacement de R. Dubinsky par Levon Sachs (1944-1945), le violon solo de l’orchestre du Théâtre Bolshoï, est dû au fait que Dubinsky s’est rendu à Minsk récemment libéré pour être pendant un an le violon I du Quatuor de Biélorussie.

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Le Quatuor Borodine au fil du temps/The Borodin Quartet in the course of time

I – Quatuor d’étudiants du Conservatoire de Moscou / Student Quartet at the Moscow Conservatory (1943-1947)

II – Quatuor Philharmonique de Moscou / Moscow Philharmonic Quartet (1947-1955)

III – Quatuor Borodine / Borodin Quartet (depuis/since 1955)

Violon/Violin I

Rostislav Dubinsky: 1943-1944: Levon Sachs: 1944-1945; Rostislav Dubinsky: 1945-1976, Mikhail Kopelman: 1976-1996; Ruben Aharonian: depuis/since 1996

Violon/Violin II

Pavel Granovsky (1943), Grigory Kemlin: 1943-1945; Vladimir Rabei: 1945-1947; Nina Barshai: 1947-1952; Yaroslav Alexandrov: 1952-1974; Andrei Abramenkov: 1974-2011

Alto/Viola

Yuri Nikolayevsky: 1943-1944; Rudolf Barshai: 1944-1953; Dmitri Shebalin: 1953-1996; Igor Naidin: depuis/since 1996

Violoncelle/Cello

Mstislav Rostropovitch: 1943 (deux semaines!/two weeks!); Valentin Berlinsky: 1943-2007; Vladimir Balshin: depuis/since 2007

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Dans l’ouvrage précité, Valentin Berlinsky relate ce que représentait le Conservatoire de Moscou au cours des années quarante. En voici un extrait :

Le Conservatoire de Moscou était au cours des années 40 une institution exceptionnelle. Le professionnalisme en vigueur chez les personnalités éminentes qui y enseignaient était fabuleux. Le Conservatoire était pour nous un temple de l’art vers lequel nous nous précipitions chaque jour. Il est difficile d’imaginer aujourd’hui qu’en tant qu’étudiants nous partagions les couloirs avec des compositeurs tels que Sergei Prokofiev, Dmitri Chostakovitch, Nikolai Myaskovsky, Yuri Shaporin, Vissarion Shebalin, et les pianistes Heinrich Neuhaus et Alexander Goldenweiser. Nos professeurs étaient les violinistes David Oïstrakh et Abram Yampolsky, Zeitlin et Mostras, et les violoncellistes Semyon Kozolupov and Sviatoslav Knushevitsky. Les noms les plus éminents, bien que nous n’en ayons pas eu conscience à l’époque. Nous considérions leur présence comme tout à fait normale.

Un style de communication très spécifique de cette période était encore en vigueur. Il se reflétait dans le comportement, l’apparence, et le discours de nos professeurs. Ils s’intéressaient sincèrement à nos carrières futures. La foi qu’ils avaient en nous nous motivait à répondre à leurs attentes et à ne pas les décevoir; nous devions répondre à cet investissement sur notre futur! Les Prix et les récompenses ne devaient jamais être accordés trop tôt. Il se pourrait qu’un artiste n’ait pas besoin de gloire, et la gloire pouvait être nuisible à certains; mais l’artiste a sûrement besoin d’être reconnu. L’artiste doit se sentir nécessaire. Je parle ici des arts classiques, dont la signification et le but ne sont pas en premier lieu le divertissement. C’est comme ça que notre quatuor fonctionnait, et cet exemple le montre. Si nous travaillions les Quatuors de Beethoven, nous allions les jouer à Heinrich Gustavovich Neuhaus, qui avait une connaissance encyclopédique des œuvres de Beethoven. Nous entrions alors dans sa salle de classe qui n’était jamais vide (il y avait toujours de l’ordre de vingt ou trente personnes dans ses classes).

Et il disait: ‘Ah, vous voici, nous vous attendions. Qu’allez vous jouer aujourd’hui?’

‘ Le Quatuor en do dièse mineur de Beethoven’.’

‘Ah, l’opus 131’, et il se dirigeait vers le piano pour souligner les thèmes principaux sans même s’asseoir. Pour Mozart et Haydn, nous allions voir Alexander Goldenweiser, le grand spécialiste des mélismes. Il disait: ‘Personne à part moi ne sait comment jouer correctement les phrases mélismatiques’. Neuhaus et Goldenweiser, dont nous absorbions l’influence avec reconnaissance, ont été aussi nos partenaires au concert. Il existe toujours un enregistrement du Quatuor avec Goldenweiser – le Quatuor avec Piano de Mozart K493, un vieux disque, un disque noir, vous vous en souvenez? Mais aucun enregistrement de nous avec Neuhaus n’a survécu. Enregistrer des concerts publics n’était pas très courant. Nous avons joué ensemble les Trios de Tchaïkovski et les Quintettes avec Piano de Schumann et de Franck.

A l’époque, nous avons eu d’autres partenaires, des excellents pianistes qui enseignaient au Conservatoire de Moscow: parmi ceux-ci, Yakov Zak, Yakov Flier, Lev Oborin, Maria Veniaminovna Yudina, Grigory Ginzburg et Alexander Jocheles.

Nous avons joué notre programme à Lev Moiseyevich Tseitlin, un merveilleux chambriste et le fondateur du Persimfans, une des expériences orchestrales les plus intéressantes de l’histoire de l’interprétation. Il était toujours surprenant, et son énergie était unique…. Je me souviens bien de nos leçons avec Lev Moiseyevich. Nous avons joué pour lui le Quatuor de Ravel et l’opus 59 no. 2 en mi mineur de Beethoven. Nous avons joué aussi pour Yampolsky, Kozolupov et d’autres encore. Terian était très impliqué dans notre Quatuor, mais nous conseillait (en fait il insistait) pour que nous allions consulter ces autres musiciens. Cette absence de jalousie envers ses étudiants était caractéristique de l’époque. Ce n’est que bien plus tard que j’ai compris ce que cachaient le jalousie et la possessivité envers ses étudiants (ou leur absence). L’aspect psychologique est ici crucial: les jeunes musiciens doivent bien sûr développer leurs propres compétence et leurs propres ressources pour conquérir leur liberté et leur confiance. Terian le savait. Il prenait soin de notre développement artistique. Cette absence de jalousie est une partie de ce qui distingue ces professeurs de ceux de la génération actuelle.

La différence est énorme, et repose sur la réflexion musicale. Notre professeur de quatuor était Yevgeny Mikhailovich Guzikov (N.B. Y. Guzikov 1887-1972 a été le premier professeur russe à mettre au point une méthode pédagogique pour les ensembles de musique de chambre, sur la base du travail effectué avec les Quatuors Komitas, Spendiarov, Glinka et Taneyev). Il ne tolérait pas les tempi ouvertement rapides. Il nous a enseigné que ‘Allegro’ ne signifie pas toujours ‘rapide’. C’est souvent une indication, d’un caractère d’allégresse, notamment dans les œuvres classiques. Il ne fallait pas seulement tenir compte des symboles conventionnels (qui, après tout ne sont que des symboles) mais aussi de la forme de la mélodie, de l’harmonie, et prêter une oreille attentive aux sonorités. Nous devions être capables de lire et d’évaluer la signification de ces symboles. De même, la dynamique est principalement relative à la forme et non aux décibels. Qu’est-ce que ‘forte’ signifie en fait? Avec force et solidité, mais pas nécessairement ‘fort’! C’est comme ça que nous avons appris la rigueur, la minutie et la réflexion. Et quand aucun de ces symboles ne se trouve dans la partition, comme dans les œuvres de Bach? C’est l’occasion de penser au moyen par lequel la musique se développe, aux doigtés, et aux coups d’archet. Des tempi excessivement rapides appauvrissent la musique. Des vitesses plus modérées signifient que la beauté tonale de l’œuvre peut être montrée en détail, de même que l’interaction entre les voix et bien d’autres choses. Guzikov avait de ce fait raison.

Le flûtiste Yuli Yagudin (K285) était un des meilleurs élèves de Vladimir Tsybin (1877-1949), fondateur de l’école russe de flûte.

Moscow Philharmonic Quartet is the name under which the later Borodin Quartet was known between 1947 and 1955. Only a few recordings, posted here, of four works by Mozart have been published as LPs in 1963 for the 20th Anniversary of the birth of the Quartet. A recent 20 CD Album, A tribute to Rudolf Barshaï, offers a recording of Shostakovich’s First Quartet Op.49 (Concert at the Small Hall of the Moscow Conservatory – June 3, 1951).

The chronology of the various line-ups of the Quartet is rather complicated (see above « The Borodin Quartet in the course of time »), since the initial provisional one as a student Quartet (1943), until the creation in 1947 of a first stable ensemble (Moscow Philharmonic Quartet), then of the choice of the name Borodin Quartet in 1955 (source: Valentin Berlinsky – A Quartet for Life published by Kahn & Averill London). If we set aside the « anecdotic » participation of Rostropovitch in 1943, the core of the Quartet, is both Rostislav Dubinsky and Valentin Berlinsky. Note that the replacement of R. Dubinsky by Levon Sachs in 1944-1945, leader of the Bolshoï Theatre Orchestra, is due to Dubinsky’s move to the recently liberated Minsk to lead during a year the Belarusian Quartet.

In the above cited book, Valentin Berlinsky decribes what the Moscou Conservatory of the 1940s meant to him. Here is an excerpt:

The Moscow Conservatory of the 1940s was an exceptional institution. The professionalism among the imposing characters who taught there was outstanding. The Conservatory was, for us, a temple of art to which we hurried each day. It is difficult to imagine today that as students we shared the corridors with composers such as Sergei Prokofiev, Dmitri Shostakovich, Nikolai Myaskovsky, Yuri Shaporin, Vissarion Shebalin , and the pianists Heinrich Neuhaus and Alexander Goldenweiser. Our teachers were the violinists David Oistrakh and Abram Yampolsky, Zeitlin and Mostras, and cellists Semyon Kozolupov and Sviatoslav Knushevitsky. Names to conjure with, though we did not realise this at the time. We took their presence completely for granted.

A style of communication that was very specific to this period was still in use. This was reflected in the behaviour, appearance and speech of our teachers. They were sincerely interested in our future careers. The faith they had in us made us eager to meet their expectations and not to disappoint them; we had to provide a return on this investment in our future! Prizes and rewards should never be granted too early. It could be that the artist does not need glory, and glory could be harmful to some; but the artist certainly needs recognition. The artist must feel necessary. I am talking here of the classical arts, the meaning and purpose of which do not primarily involve entertainment. By way of an example, this is how our quartet worked. If we were working on Beethoven’s Quartets, we would play them to Heinrich Gustavovich Neuhaus, who had an encyclopaedic knowledge of the works of Beethoven. We would enter his classroom, which was never empty (there were almost always twenty or thirty people in his classes).

He would say: ‘Ah, there you are, we were waiting for you. What are you going to play today?’

‘Beethoven’s Quartet in C sharp minor.’

‘Ah, opus 131’, and he would go to the piano and pick out the main themes without sitting down. For Mozart and Haydn, we would go to Alexander Goldenweiser, the great specialist in melisma. He would say: ‘Nobody knows how to play melismatic phrases properly apart from me’.

Neuhaus and Goldenweiser, whose influence we absorbed gratefully, also partnered us on the stage. There are still some recordings of the Quartet with Goldenweiser – Mozart’s Piano Quartet K493, an old record, a black one, you remember them? But no recording of us with Neuhaus has survived. Recording concerts live was not a very common practice. We played the Tchaikovsky Trios and the Schumann and Franck Piano Quintets together.

At the time we had other partners, excellent pianists who taught at the Moscow Conservatory: these included Yakov Zak »,Yakov Flier, Lev Oborin, Maria Veniaminovna Yudina, Grigory Ginzburg and Alexander Jocheles.

We also played our programme to Lev Moiseyevich Tseitlin, a wonderful chamber music player and creator of Persimfans, one of the most interesting experiments in the history of orchestral performance. He was always surprising, with a unique energy…. I remember our lessons with Lev Moiseyevich well. We played Ravel’s Quartet and Beethoven’s opus 59 no. 2 in E minor for him. We also played for Yampolsky, Kozolupov and others. Terian was closely involved with our Quartet, but advised (indeed insisted) that we consult these other musicians. This lack of jealousy towards his students was characteristic of the time. I only realised much later what lies behind jealousy and possessiveness (or the lack of it) towards one’s students. The psychological aspect is crucial here: young musicians must naturally increase their own capabilities and resources in order to gain liberty and confidence. Terian knew this. He took care over our artistic development. This lack of jealousy is part of what sets those teachers apart from the current generation.

The difference is huge, and it originates in musical reflection. Our quartet teacher was Yevgeny Mikhailovich Guzikov. (N.B. Y. Guzikov 1887-1972 was the first Russian teacher to set a pedagogical method for chamber ensembles, based on work he had done with the Komitas, Spendiarov, Glinka and Taneyev Quartets). He would not tolerate overly fast tempos. He taught us that ‘Allegro’ does not always mean ‘fast’. It is often an indication, of character, of joyfulness, particularly in classical works. Attention should not just be paid to the conventional symbols (which are, after all, just symbols) but also to the shape of the melody, the harmony, and a careful ear to sonorities. We must be able to read and appreciate the connotations of these symbols. Similarly, dynamics are primarily about shape and not decibels. What does ‘forte’ actually mean? With strength and solidity, not necessarily ‘loud’! This is how we learned rigour, thoroughness and thoughtfulness. What if none of these symbols is contained in the score, as in the works of Bach? This provides an opportunity to think about the way in which the music develops, about fingerings, and about bow strokes. Excessively fast tempos impoverish the music. More moderate speeds mean that the tonal beauty of the work can be shown in detail, along with the interplay of the voices and much more besides. Guzikov was therefore right in his view.

Les liens de téléchargement sont dans le premier commentaire. The download links are in the first comment.

4 réponses sur « Quatuor Philharmonique de Moscou – Mozart: Quatuors n°17 K458 – n°19 K465 – n°1 avec flûte K285 »

Fantastic, another interesting post & super download.
Lovely, warm, singing & stylish Mozart interpretations from one of the premiere chamber ensembles of the last century. I did not know about these particular recordings, so huge thanks for giving us the chance to enjoy them!

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